Devenir président

« Quand tu touches à tout, tu ne fais jamais rien comme il faut », me lance Christian Goudreau, président de Arcbees, tôt un vendredi matin alors qu’il a gentiment accepté de me rencontrer pour me parler de son parcours entrepreneurial.

Quand j’ai vu ce jeune homme, début trentaire, faire son discours de président d’honneur, le 10 avril dernier à l’Université Laval, j’ai tout de suite vu un grand homme ! Ce qui m’a alors interpelé, c’est sa grande maturité de comprendre qu’il devait prendre en mains son organisation pour en assurer sa pérennité. «Après plusieurs années à agir comme programmeur, directeur de compte, chargé de projet, responsable du développement des affaires en plus d’assurer la présidence de l’entreprise, j’ai décidé de me concentrer sur mon rôle de président ainsi que sur la croissance de Arcbees. Faire ce choix a loin d’avoir été facile pour moi, étant de nature ultra perfectionniste. J’adore coder et j’adore lire du code ! Je programme depuis ma plus tendre enfance, cela fait partie de moi, de mon ADN, mais je ne pouvais être partout à la fois et atteindre mes propres standards de qualité »[1].

Tout comme quelques autres entreprises au Québec, suite à des concours, Arcbees, entreprise de développement d'applications web, a « surfé » sur une vague de popularité dès ses débuts, ce qui lui a donné un levier pour ses premières années. L’entreprise a débuté avec rien de moins que des clients d’envergure internationale, et parmi les plus grands de l’industrie. Lui et son partenaire d’affaires de l’époque furent même invités comme conférenciers au Google I/O de San Francisco, événement de grande notoriété qui rassemble les plus grands de l’industrie au niveau international. Encore aujourd’hui, 95% de leurs clients sont hors Québec.

Tout va bien, voire très bien, durant les 4 premières années de vie de Arcbees. Les contrats arrivent sans trop développer. On passe rapidement à une structure d’une douzaine d’employés, plus qualifiés les uns que les autres. C’est en 2014, que Christian m’avoue avoir vécu 2 échecs importants dû à de mauvaises décisions. « Je n’ai pas pris le temps nécessaire pour réfléchir avant de prendre ces décisions et ça a coûté cher à l’entreprise ! »

« Pourquoi programmes-tu encore ?» lui lance alors un de ses employés. Pour Christian programmer c’est un « trip », il s’amuse. Il était tellement pris dans ses « trips » de programmation qu’il n’a pas pris le temps de s’attarder aux décisions stratégiques de l’organisation.

- VJ  « C’est quoi Christian pour toi être un bon président ? »

- CG « Un bon président c’est un chef d’orchestre, c’est quelqu’un qui sait s’entourer de gens forts. C’est ce que j’ai réalisé au fil du temps. Maintenant, il faut que je fasse confiance en mes gens parce que j’ai tendance à être « contrôle freak ». Je veux inspirer les gens à être de meilleures personnes dans l’organisation et dans leur vie. Je n’hésite donc pas à leur donner les conditions nécessaires pour ce faire, entre autres un bel environnement de travail, des horaires variables et beaucoup de conciliation travail/vie personnelle. Par exemple, j’ai une « designer » qui voyage présentement autour du monde et durant son voyage, elle continue de travailler de partout pour nous. Ça l’inspire autrement, lui fait rencontrer des gens qui la font évoluer tant personnellement que professionnellement. Il faut savoir faire les choses autrement et sortir de sa zone de confort. Un bon président doit également parler à ses clients, connaître leurs besoins, savoir s’ils ont un intérêt pour ce qu’on a à leur offrir. Quand on a les deux mains dans le code, on ne peut pas le faire. Je dois maintenant me concentrer à développer mon entreprise. »

L’entrepreneur qui bâtit son organisation construit cette dernière autour de ses connaissances et de ses compétences. Il grandit avec elle tout en faisant quelque chose qui le fait vibrer. Mais il devra sortir un jour de la cale de son bateau pour faire prospérer son entreprise et éviter de la faire couler. Il deviendra alors dans bien des cas le président, le capitaine du navire.

- CG « Pour devenir un bon président, il faut s’entourer des meilleurs ! » Et ça il semble l’avoir compris, car il s’entoure très bien tant à l’interne qu’à l’externe !

Est-ce donc ça également devenir un bon président ? Etre capable de voir son organisation sous un autre angle, à plus haut niveau, dans la cabine du capitaine qui laisse chacun des membres de son équipage faire les tâches pour lesquelles ils sont attitrés, tout en leur faisant confiance ?

Le bon président est également au fait qu’un comité consultatif ou de l’accompagnement par un mentor est très utile pour l’aider à obtenir des conseils et d’avoir accès à de l’expertise qui n’est pas lié directement à un conseil d’administration par exemple. Christian a d’ailleurs tout un réseau consultatif qui l’aide à grandir et à cheminer.

Dans un même ordre d’idées, j’ai rencontré récemment un autre président passionné, qui a bâti son entreprise dans les technologies, il y a plusieurs années. Il cherche maintenant à s’étendre à l’international et cherche des investisseurs qui l’aideront à le faire. Quand je lui ai posé la question : « Pourquoi ne pas le faire vous-même? » Il me répond avec grande humilité : « Parce que je ne suis pas bon la dedans ! Il faut s’avouer qu’on ne sait pas tout et qu’on n’est pas bon dans tout ! » Cependant, sa plus grande crainte, même si son ambition louable est de faire croître l’organisation, est que l’arrivée d’investisseurs externes viennent détruire la culture si ardemment construite, cet ADN qui circule dans les veines de ses 50 employés mobilisés.

J’ai eu la chance dans ma profession de rencontrer et côtoyer plusieurs présidents. Ce que je remarque de commun chez ces derniers c’est la passion ! Bien qu’il y en ait plusieurs ingrédients de succès, comme la vision, l’enthousiasme, la communication, l’écoute, l’entregent, la confiance et la rigueur, pour ne nommer que ceux-ci, je ne crois pas que l’on puisse mettre sur pieds une organisation viable sans cet ingrédient qu'est la passion. C’est cette dernière, partagée et vécue par tous les membres d’une organisation, qui construit son ADN et qui crée son histoire.

Même si Christian est un passionné des IT et qu’il en parle avec beaucoup d’enthousiasme, c’est lorsqu’il m'a parlé de ses ambitions de président que j’ai senti la plus grande passion ce fameux vendredi matin !

 

Un grand merci à Christian Goudreau, pour sa générosité et sa confiance. Malgré son âge, derrière ce jeune homme, qui se dit timide, se cache un grand président !

http://www.arcbees.com

 

[1] Extrait du discours de Christian Goudreau, à titre de président d’honneur de la 17e édition du concours québécois en Entrepreneuriat, organisé par Entrepreneuriat Laval, 2015.

 

Vicky Jobin, CRHA, M. Sc.

Présidente et partenaire de succès en croissance et transfert d'entreprise

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