Recrutement et gestion : Quand le leader dépasse la technique et le QE dépasse le QI.

Exemple chez Squeeze Studio Animation

 

J’ai travaillé comme spécialiste et gestionnaire des ressources humaines durant près de 20 ans, et par le fait même réalisé beaucoup de processus de recrutement durant cette période, et ce pour tous les types de postes, allant du journalier au directeur général. Je peux témoigner que les choses ont beaucoup évolué en matière de gestion et de disponibilité de la main-d’œuvre qualifiée. 

Je remarque cependant qu’il y a une chose qui n’a pas changé : le paradigme que le gestionnaire doit avoir les connaissances techniques. La plupart des gestionnaires avec qui j’ai collaboré s’entendaient sur ce point. J’ai toujours été assez perplexe à cette idée, et en rencontrant un vieil ami du secondaire, Denis Doré, Président et cofondateur de Squeeze Studio Animation, ce dernier m'a démontré que le contraire est possible, et il est un bon exemple. 

Dès son jeune âge, il a su faire preuve de leadership : il était président de sa classe, lançait toute sorte de projets et rassemblait les gens. Il avait compris que la relation était au cœur de son succès. Avant de fonder son entreprise, il a été embauché chez Ubisoft comme producteur en charge d’équipes de développeurs, alors qu’il n’avait « aucune » connaissance des jeux vidéo. 

Pour lui, l’équipe qui l’entoure est importante. Il le publie d’ailleurs dans ses réseaux sociaux : « Tout ce que j'entreprends gravite autour de deux constantes: mon besoin de participer activement au développement de projets innovateurs et mon désir de le faire en compagnie de gens qui m'inspirent ».

Récemment, je lisais le rapport de consultation du Ministère de l’Économie de l’Innovation et des Exportations, paru en octobre 2015, sur la Feuille de route en économie numérique, où on s’interroge entre autres sur les actions à prendre pour répondre aux besoins de main-d’œuvre qualifiée, notamment dans le secteur des TIC (technologie de l’information et des communications) et sur les actions qui permettraient de développer les compétences numériques des gestionnaires québécois afin de faciliter l’usage des technologies numériques ?

Selon les différentes recommandations, on tend à demeurer sur la compétence technique, sans vraiment analyser les compétences requises de gestion. Selon Denis Doré, les entreprises dans les TIC ont des produits collaboratifs. « Il y a un serveur central, où, presque en temps réel, les équipes constituées d’artistes, de programmeurs, de designers, etc., doivent collaborer afin de fusionner leur section du travail. Cela dit, ces gens doivent se parler, et c’est là tout un défi. On pense que les gens sont formés pour penser et faire ça. » Quand on regarde le type de personnalité de chacun de ces métiers, il est fort à constater que ces acteurs ne sont pas tous programmés avec le même langage. La communication est donc un enjeu majeur. 

Chez Squeeze Studio, à 50 employés, les 2 cofondateurs sont à l’étape de faire l’embauche de nouveaux gestionnaires. On peut d’ailleurs le voir sur leur site internet, www.squeezestudio.com. Ayant porté plusieurs chapeaux dans les quatre dernières années, comme pour la plupart des fondateurs d’entreprises en « startup », ces derniers sont à structurer davantage leurs équipes de création, de production, R&D, ventes, etc., et pour cela ils ont besoin de leaders « inspirants ».

Leur défi? Trouver des gens ayant les compétences numériques et de gestion ? Selon Denis, avoir les compétences techniques en numérique ne fait pas forcément un bon gestionnaire. Qu’avait-il lui alors, lorsqu’il a été embauché par Ubisoft? Le leadership bien sûr, mais également la capacité à entrer en relation avec les autres, ce qu'on appelle « l’intelligence émotionnelle ». 

L’intelligence émotionnelle, cette capacité à utiliser les émotions et les sentiments, entre autres dans la relation, et bien utile dans les communications, n’est malheureusement pas beaucoup enseignée et très peu retrouvée dans les cursus scolaires, que ce soit pour des formations en gestion ou autres. On laisse ce rôle à la famille ou à la société. Vous n’avez qu’à recenser les différents programmes pour constater qu’on demeure encore dans une sphère reliée à l’intellect et regarder le nombre de « coachs », ou de psychologues industriels, qui accompagnent les gestionnaires.

À cet effet, Daniel Goleman, Docteur en psychologie et connu comme la référence sur l’intelligence émotionnelle, a tenté dans ses recherches de remettre en question la mystique du QI (quotient intellectuel), une notion largement répandue selon laquelle le principal facteur de réussite professionnelle est l’intellect. Les découvertes de Goleman sont que le QI se place en 2e position derrière le QE (quotient émotionnel) pour expliquer les performances exceptionnelles des individus testés. 

Est-ce que cette forme d’intelligence pourrait servir alors de catalyseur de croissance pour les entreprises ?

Quand on pense que la capacité d’offrir un travail stimulant aux employés et de les faire progresser et collaborer passe par de bonnes pratiques de gestion «relationnelle ». 

Quand on pense qu’attirer, accueillir, mobiliser et retenir la main-d’œuvre passe par de bonnes pratiques de gestion « relationnelle ». Cela ici prend alors tout son sens.

Selon un sondage réalisé par la BDC :

« La capacité d’offrir un travail plus stimulant aux employés constitue un avantage important pour 85 % des répondants, notamment parce que cela procure à l’ensemble du personnel plus d’occasions de progresser et d’obtenir une promotion. »

Avec du recul et une réflexion sur ces notions d’intelligence, avons-nous maintenant envie de commencer à transformer nos paradigmes et d’investir davantage dans l’intelligence émotionnelle dans nos entreprises? En tout cas, pour ma part, je crois qu’on ferait un meilleur monde collectif, et ce, à tous les niveaux qu’ils soient individuel, organisationnel ou sociétal.

 

Merci à Denis Doré de m'avoir partagé avec passion sa vision sur le sujet !

 

SOURCES :

Étude de la Banque de développement du Canada (BDC), « Les PME et la croissance : Défis et stratégies gagnantes, Octobre 2015.

Goleman, Daniel, « L’intelligence émitionnelle-2 : Accepter ses émotions pour s’épanouir dans son travail », Psychologie, Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 1999. 

Ministère de l’Économie de l’Innovation et des Exportations (MEIE), Consultation 2015, Feuille de route en économie numérique., Gouvernement du Québec, Octobre 2015 - www.economie.gouv.qc.ca/EconomieNumerique.

Vicky Jobin, M. Sc.

Partenaire stratégique en croissance et transmission d'entreprise

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