Le repreneur externe : condition de succès ou d’échec ?

On avance que 70 % des fusions et acquisitions échouent à cause de facteurs humains (selon PricewaterhouseCoopers, Fortis Business Focus nr 2, été 2005), on peut penser que c’est à cause des employés, mais un autre acteur vient influencer la pérennité de la transmission d’entreprise : «Le repreneur».

Les chercheurs notent entre autres deux raisons pour lesquelles il est difficile pour certains de reprendre une organisation. D’une part, puisqu’il est arrivé depuis peu dans l’entreprise, le repreneur n’est pas d’emblée socialement intégré. D’autre part, ayant une connaissance limitée de la structure de l’entreprise et de son environnement, sa vision stratégique peut sembler manquer de pertinence (Chaineau, 1989 ; Deschamps et Paturel, 2001).

Les histoires et les aptitudes recensées par Ray (1993) et Deschamps (2000), sur les repreneurs externes ayant connu des difficultés, ont donné naissance à des besoins qui engendrent différents types de motivations repreneuriales. Ces besoins seraient déterminants quant au succès ou l’échec lors de la transmission. Ces derniers font ressortir :

  • Le déterminé, dont la principale motivation est d’accéder à un poste de dirigeant;
  • Le contraint, motivé par le fait de créer son propre emploi;
  • Le social motivé, pour qui le caractère social de l’entreprise est prépondérant (possibilité de   pérenniser une entreprise, de sauvegarder les emplois ou de redresser l’entreprise);
  • L’investisseur, pour qui la reprise semble à prime abord être un simple investissement, qui peut parfois se transformer en défi.

Il va sans dire qu’une préparation minutieuse de la reprise grâce à un diagnostic rigoureux facilite la réussite de cette dernière. Le type d’entreprises reprises (saines, saines en apparence ou en difficulté) aura également des implications majeures sur le processus repreneurial. Il sera alors primordial pour le repreneur de bien connaître et comprendre l’environnement de l’entreprise qu’il reprend et de s’impliquer dans toutes les phases de la transaction (en amont et en aval).

Sachant que la reprise d’une organisation a un impact direct sur la mobilisation des employés et que ces derniers sont souvent la cause de l’échec de celle-ci, il est souhaitable pour le repreneur d’avoir une vision claire de l’endroit où il souhaite amener l’entreprise et savoir la communiquer. Pour cela, il doit croire en son projet pour obtenir la confiance des employés.

Il doit aussi être conscient de ses limites et se faire assister au besoin. Par exemple, on pourrait voir un repreneur avec peu d’expérience en gestion ou possédant des connaissances techniques limitées du produit ou service de l’entreprise qu’il reprend. Ce dernier pourrait également avoir de faibles connaissances en matière de transmission d’entreprise. Il aura alors intérêt à s’entourer de personnes-ressources qui le conseilleront à ces égards en plus de négocier la période de transition entre cédant et repreneur en conséquence.

En effet, cette phase de transfert du pouvoir dans l’organisation est cruciale. Durant cette transition, on informe les partenaires de l’entreprise du changement (sous-traitants, clients, fournisseurs, etc.), on accomplit les formalités administratives, et surtout, on transfert l’historique, le savoir-faire et les connaissances du cédant.  Une période de passation trop courte peut engendrer des risques de mauvaise passation du savoir et du pouvoir. On peut bousculer également les employés. A l’inverse, une période trop longue enlève la crédibilité au repreneur et retarde, voire même nuit, à la nouvelle vision. Le repreneur et le cédant devront donc trouver et négocier la zone d’équilibre temporelle en fonction de leurs désirs individuels réciproques, de leur zone de confort et du gros bon sens dans leur contexte.

À l’issue de cette période, le repreneur est définitivement le seul et unique dirigeant de l’entreprise : il y a donc continuité "de l’entreprise" et rupture "de gestion". Cette ambivalence du changement rend le management de la reprise hautement risqué tant le facteur humain y est important.

Acquérir une entreprise, c’est vouloir en assurer la pérennité! 

 

Vicky Jobin, CRHA, M. Sc.
Partenaire de succès en croissance et transmission d'entreprise
Capital V
vicky.jobin@capitalv.ca
418-559-2760

 

Sources :

GRAZZINI, Frédérique, BOISSIN, Jean-Pierre, MALSCH, Bertrand, « Le rôle du repreneur dans le processus de formation de la stratégie de l’entreprise acquise », Revue internationale P.M.E., Volume 22, Numéro 3-4, 2009, Pages 139-164.

BERGER-DOUCE, Sandrine, « Reprendre une entreprise – De l’intention à l’intégration du repreneur » Bérangère Deschamps et Robert Paturel Paris, Dunod, coll. « Entrepreneurs », 3e édition, 2009, 216 p.